Ajouté le 27 juil. 2023
La mer, le ciel, quelques rochers… A première vue, des paysages simples et reposants. A y regarder de plus près, certains éléments incitent à une lecture plus complexe. Les photos plasticiennes de Gaspard de Gouges permettent d’imaginer qu’il existe encore des îles insoupçonnées sur terre.
Gaspard de Gouges est un photographe qui avoue volontiers ne pas être un grand technicien. Il a beaucoup voyagé, et comme beaucoup, a fait des photos au cours de ses voyages. Mais il s’est fait une raison : “Finalement la photo de choses existantes ne m’intéresse pas en tant que producteur d’images”.
Voilà donc un photographe confronté à une problématique relativement insolite : que photographier et comment, quand on n’aime pas photographier la réalité, quand on n’est pas passionné par la technique et quand on avoue n’avoir aucune compétence avec un outil comme Photoshop?
Gaspard de Gouges n’a pas changé de métier, mais a trouvé la solution : aborder la photo avec les outils du plasticien.
“Le point de départ est très simple: j’aime voyager, mais pour différentes raisons dont le Covid, il est devenu plus simple de voyager depuis chez soi. J’ai commencé en 2021 la photo telle que je la pratique aujourd’hui. L’Idée au départ était de faire sur une même œuvre un mélange de ce que j’aime : des îles, de la jungle et du patrimoine. Mais sans logiciel, il a fallu que j’invente mes solutions. Ayant un peu plus de temps, j’ai bricolé des petites choses que j’ai installées sur le toit d’une maison, dans les Cévennes. C’est comme cela qu’est née la technique que j’utilise maintenant pour toutes mes photos.”
Bref, on a beau être au XXI ème siècle, on est plus proche de Méliès que de l’intelligence artificielle.
“Je me suis toujours intéressé aux maquettes, aux miniatures, à leur mise en scène, précise encore l’artiste. Ces petits mondes, où l'artiste contrôle tout, englobe tout, font écho à mon intérêt pour la cartographie, une réduction du monde pour voyageurs immobiles”.
Il en ressort plusieurs séries, avec une permanence : des paysages marins construits dans son atelier à partir d’éléments de maquette en siporex, plâtre, ou autre, tous peints avec des lavis très liquides. Autour de ces pseudo-rochers et pseudo-ruines, la mer, faite également de peinture recouverte de plastique, et un ciel qui vient du reflet du ciel réel dans un miroir.
Aucune série n’est définitive, toutes sont en évolution que ce soit celle sur le gaspillage alimentaire, celle sur les migrations méditerranéennes, ou sur le voyage d'Ulysse.
Toutes ont pour caractéristique d’intriguer le regard, sans qu’on sache vraiment pourquoi.
Et de fait, les deux éléments de chacune de ses œuvres participent de ce flou qui fait qu’on a envie d’y regarder de plus près.
Premier élément, le ciel, qui, s’il est réel, apporte son lot de bizarrerie: “Le miroir de mon dispositif rabat le ciel, les nuages, du zénith sur la ligne d’horizon, ce qui fait un drôle d’effet”, explique l’artiste. C’est notamment le cas quand les nuages très chargés, généralement hauts dans le ciel, se retrouvent à l’horizon, comme dans Onion Island. Le résultat laisse un sentiment d’étrangeté.
Et sous le ciel, tout le reste, des îles à la fois proches et lointaines, réelles et utopiques: “A part le ciel, explique l’artiste-artisan, je peins toutes les surfaces représentées, y compris la mer”. Le dispositif permet à l’artiste de faire ce qu’il veut. La plupart du temps, il recherche un “effet de réel” mais de temps à autre, il affirme aussi le côté artificiel comme dans les œuvres où se trouvent au milieu des rochers des oranges, des oignons, un boulon: cette fois-ci, il y a quelque chose qui cloche dans les rapports d’échelle. Mais là encore, difficile d’imaginer que tout est ici artificiel, jusqu’à la mer et aux rochers.
L’œuvre laisse à chacun ses interrogations. Dans un monde où les visages peuvent être le fruit d’une intelligence artificielle, difficile d’imaginer que ces paysages sont le fruit… d’un bricoleur dans son jardin-atelier.
Pour l’instant, Gaspard de Gouges réalise ses paysages avec des éléments qui passent pour des rochers, des îles, des bateaux, sur un espace bleu qui passe pour une mer.
A l’avenir, il n’exclut pas d’intégrer de nouveaux sujets. “Je ne mets pas de personnages, mais je réfléchis à intégrer des silhouettes humaines, toujours dans l’optique qu’elles se fondent dans la scène”, voire du texte, par le biais de petits éléments collés soit dans les maquettes, soit sur le miroir.
Ce qui est sûr en revanche, c’est que comme toujours, tout commencera par des croquis essayant de donner vie à l’idée première, comme il l’a toujours fait, quand il était encore peintre et réalisait des portraits très colorés sur de grands formats.
“Maintenant que je fais de la photo axée sur les objets et leur mise en scène, je trouve évidemment des points communs avec mes portraits de groupe, où la composition était un élément fondamental”.
Derrière chacune de ses œuvres, peinture ou photo, une réflexion rigoureuse sur l’équilibre qui doit sous-tendre chaque réalisation. Une exigence sans doute encore plus forte avec la technique actuelle, qui utilise des moyens atypiques et inédits.